CRFPA 2024

Garde à vue et flagrance

Cass. crim., 26 juin 2024, N°23-86.945, 23-84.154, 23-85.825

 

Avant la période estivale la chambre criminelle de la Cour de cassation a prononcé trois arrêts publiés au bulletin concernant la procédure pénale et plus précisément la garde-à-vue et l’interpellation en flagrance :

  • Le départ volontaire de l’avocat en pleine audition n’empêche pas la continuation de celle-ci,
  • La tardiveté de l’avis employeur n’est de nature à entrainer l’annulation que si elle a empêché ou retardé le droit à l’assistance d’un avocat,
  • La possibilité pour tout citoyen d’interpeller tout auteur de crime ou de délit cesse lorsque des forces de l’ordre sont présentes ou dans de simples opérations de police administrative.

 

Arrêt n°23-86.945 :

La chambre criminelle estime que le départ impromptu de l’avocat au cours de l’audition de son client n’est pas de nature à empêcher la poursuite de l’audition et ne créé pas d’obligation pour les enquêteurs de notifier à nouveau au mis en cause le droit de se taire.

Cela peut paraître étonnant puisque le texte ne prévoyait, à l’article 63-4-2 du code de procédure pénale que le mis en cause ne pouvait pas être entendu avant qu’un délai de carence de 2 heures se soit écoulé depuis l’avis adressé à l’avocat. Il ne prévoyait cependant rien en cas de départ volontaire en cours d’audition.

Seul le procureur de la République ou le JLD peut différer la présence de l’avocat pour une durée maximale de 12 heures ou de 25 heures et pour des raisons limitativement énumérées par ce même article 63-4-2.

Cette solution est d’autant plus étonnante que nous savons qu’un mis en cause ayant préalablement renoncé au droit à l’avocat peut revenir sur sa décision et qu’en tel cas les OPJ ne peuvent pas poursuivre leurs auditions sous peine d’annulation (Cass. crim., 14 décembre 2011, n°11-81.329).

Cela pourrait se justifier en excipant du fait que nul ne peut être condamné sur les seules déclarations faites sans avocat (art. préliminaire du code de procédure pénale) et c’est peu ou prou l’argument qu’avait utilisé la chambre criminelle dans un arrêt de 2012 :

“Attendu que, si c’est à tort que la cour d’ appel n’ a pas cru devoir annuler les procès-verbaux d’ audition établis au cours de la garde à vue du prévenu, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure, dès lors que, pour retenir la culpabilité de ce dernier, les juges ne se sont fondés ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours de sa garde à vue” (Cass. crim., 21 mars 2012, n°11-83.637).

La chambre criminelle avait constaté ici l’irrégularité de la procédure. Il faut cependant nuancer : dans ce cas les OPJ avaient commencé l’audition sans l’avocat et alors même que le délai de carence n’était pas écoulé.

Il faudra désormais savoir si la solution de cet arrêt sera maintenue alors que la réforme de la garde-à-vue issue de la loi du 22 avril 2024 est entrée en vigueur le 1er juillet et qu’elle prévoit notamment la fin du délai de carence. Autrement dit : un gardé à vue ne peut plus être entendu sans avocat sauf renonciation expresse ou décision écrite et motivée du procureur de la République justifiée par la sauvegarde de la procédure, la prévention d’une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique ou le lieu de dérooulement de la garde-à-vue (éloignement).

Rappelons que cette réforme est également venue élargir la liste des tiers susceptibles d’être contactés par le mis en cause et les documents consultables par l’avocat intervenant en garde-à-vue.

 

Arrêt n°23-84.154 (TARDIVETE DE L’AVIS A L’EMPLOYEUR)

La chambre criminelle estime que la tardiveté de l’appel à l’employeur sollicité par le mise en cause suppose la démonstration d’un grief pour entraîner la nullité de la garde-à-vue, grief qui ne peut que résider dans le fait que cette tardiveté aurait fait obstacle à la désignation d’un avocat.

Rappelons que la personne que le mis en cause à souhaité faire prévenir de son placement en garde-à-vue peut désigner l’avocat de son choix sous condition de confirmation du gardé-à-vue.

 

Arrêt n°23-85.825 (INTERPELLATION / FLAGRANCE / AFFAIRE BENALLA)

Il s’agit de l’arrêt mettant fin à la saga judiciaire concernant le premier volet de l’affaire Benalla / Crase : celui de l’interpellation litigieuse de manifestants par le conseiller spécial de l’Elysée. Rappelons qu’Alexandre BENALLA était chargé de mission sécurité à l’Elysée et Vincent CRASE directeur sécurité du parti la République en Marche.

Alexandre BENALLA avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris, confirmé par la cour d’appel, à la peine de 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis pour violences en réunion (interpellation violente de manifestants), port sans droit d’un insigne réglementé (brassard de police), immixtion dans l’exercice d’une fonction publique, recel, port et détention illicite d’arme de catégorie B et faux et usage de faux (passeport diplomatique).

Il avait toujours avancé une ligne de défense claire : c’est dans le cadre de l’article 73 du code de procédure pénale qu’il a procédé à l’interpellation. Cet article prévoit que : “Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche.”

Le tribunal correctionnel de Paris, confirmé par la cour d’appel, avait motivé son jugement de condamnation par le fait que ce jour là les forces de l’ordre étaient présentes en nombre suffisant pour procéder aux interpellations nécessaires, qu’au moment de l’arrivée de BENALLA et CRASE la tension était redescnedu et que, argument juridique intéressant, l’article 73 du code de procédure pénale ne trouvait pas à s’appliquer à une opération de police administrative (maintien de l’ordre).

La chambre criminelle valide ce raisonnement en indiquant que :

“ 17. Il résulte de ce texte qu’un tel pouvoir de contrainte ne peut être régulièrement exercé par toute personne au cas où l’arrestation peut être ou est réalisée par un agent des forces de l’ordre, en l’absence de réquisition de la part de ce dernier.

18. Il s’en déduit, par ailleurs, qu’une telle qualité ne peut être conférée à l’occasion d’une opération de police administrative.”